Intéressons-nous aujourd’hui à une erreur de traduction reconnue : celle de Robin des bois.
Si vous faites quelques recherches, vous verrez que Robin des bois n’est autre en anglais que Robin Hood (Rob in Hood : littéralement Robin à la capuche) et non Robin Wood (Rob in Wood : dans les bois).
Au premier abord, on voit bien qu’il y a une erreur de traduction. Mais l’histoire est peut-être plus complexe et subtile. Comme on le dit, le diable se cache souvent dans les détails.
Est-ce vraiment une erreur de traduction en français ? Ou bien s’agit-il d’une traduction due aux relations étroites pour ne pas dire entrelacées qu’ont eues pendant des siècles la France et la Grande-Bretagne ?
L’histoire remonte bien plus loin que le Robin des bois de Disney (1973) et le film Robin Hood de 1912 du français Étienne Arnaud et du franco-anglais Herbert Blaché.
En effet, Robin Hood est tout d’abord une légende de tradition orale du Moyen Âge. Si vous avez vu le Disney en version française, vous vous souvenez certainement du coq-ménestrel Adam de la Halle qui narre l’histoire de Robin. En version originale c’est Alan-a-Dale.
Eh bien, Adam de la Halle a réellement existé et tenez-vous bien, encore une fois Disney nous a menti, ce n’était pas un coq… mais c’était bien un trouvère* (poète et compositeur de langue d’oïl au Moyen Âge).
Il est né à Arras vers 1240 et il est mort vers 1288 à la cour du comte d’Artois à Naples.
Il fut, entre autres, l’auteur du « Jeu de Robin et Marion », une des premières apparitions officielles de cette légende.
Ce petit détail nous montre que dans la version Disney, l’équipe de traduction a fait des recherches pour son adaptation française.
Mais d’où vient cette légende ?
Tout semble débuter avec une première mention dans un document judiciaire de 1228 en Bretagne insulaire (que l’on appelle aujourd’hui Grande-Bretagne) d’un certain Robehod ou Hobbehod.
Lorsque l’on fait quelques recherches, on se rend compte qu’il y a plusieurs apparitions de Robehod, Rabunhod ou Hobbehod tout au long du 13e siècle, et ce à des endroits différents, ce qui porterait à croire que la légende est une sorte de compilation de plusieurs personnes qui ont marqué l’histoire judiciaire de l’Angleterre au 13e siècle et il pourrait aussi s’agir d’un surnom donné à des hors-la-loi. Il ne faut pas oublier que le mot « hood » peut aussi signifier « truand ».
Il est aussi très intéressant de noter que Robin ou Robyn étaient des diminutifs hypocoristiques (affectueux) français du prénom Robert qui étaient très communs au 13e siècle et dont on fait déjà mention dans Le Roman de Renart au 12e siècle.
Jusqu’ici, tout va bien ! Mais cela se complique lorsque l’on apprend que Robehod ou Hobbehod sont vraisemblablement des mots d’origine galloise et que certains historiens l’identifient au mot gallois « coed » ou « koad » en breton et qui veut dire « bois ».
Selon cette théorie, Robin Hood serait donc bien à l’origine le Robin des bois.
Comment son nom aurait-il pu être modifié ?
Selon les chercheurs, il semblerait que la légende est par la suite passée dans la tradition anglaise. La capuche aurait été ajoutée a posteriori dans la légende anglaise pour donner un sens à ce nom d’origine galloise et ce serait là qu’il est devenu Robin Hood, le truand qui se cachait sous sa capuche.
L’erreur de traduction pourrait donc certainement avoir commencé ici, si l’on a traduit le nom ou surnom d’un fugitif qui se cachait dans les bois pour en faire une personne se cachant sous sa capuche.
Mais comment démêler le faux du vrai ? Au regard de l’histoire et de l’étymologie, peut-on parler d’une erreur de traduction en anglais sur une légende qui semble basée sur une terminologie en langue galloise ? Peut-on vraiment parler d’une erreur de traduction due à la confusion en français du mot Hood avec son paronyme Wood ? La toute première traduction qui a transformé Robin Hood en Robin des bois avait-elle été faite sur la base de recherche ou était-ce tout simplement une erreur d’interprétation ?
Il est très difficile de le savoir. Cette traduction considérée unanimement comme une erreur est, somme toute, beaucoup plus intéressante qu’il n’y paraît au premier abord et elle restera certainement un mystère, un peu comme notre cher Robehod…
* * * *
*Les trouvères et trouveresses étaient l’équivalent dans le nord de la France des troubadours et trobairitz du sud qui étaient des poètes/poétesses et compositeurs/compositrices en langue d’oc (au lieu du latin).